▬ Douze avril mille neuf cent quatre-vingt-treize. C’est ce jour-là que je suis né. Les bébés n’ont pas la faculté de se rappeler de leur venue au monde et pourtant, j’aurais bien aimé. J’aurai aimé voir la tête des médecins en m’apercevant, l’expression de ma mère en me sentant contre elle, le visage de mon père penché au-dessus de moi. En plus d’être né sans me rappeler de quelque chose, je suis aussi né par césarienne. Je ne pouvais donc pas voir ma mère puisqu’on me sépara vite d’elle pour me laver, me peser et faire tout le nécessaire pour me mettre en état. Une fois qu’ils l’eurent recousu et une fois qu’elle se fut réveillé, je pu la retrouver. Du moins, c’est ce que ma mère me raconta plus tard. Bref, nous passerons les détails mais dans tous les cas, mes parents étaient heureux et ravis. Au moins, j’étais sûr d’être tombé dans une famille heureuse de m’avoir.

Toutes fois, je n’étais pas le premier enfant de la famille. Deux ans avant moi, est née ma grande sœur. Suh Rion Ha. Une grande sœur avec qui je me suis tout de suite entendu. Elle s’occupait de moi quand j’étais petit, même si nous nous suivions de prêt, elle adorait se faire passer pour la petite maman et moi, j’adorais l’appeler maman en retour, comme ça, elle faisait sa fière et j’adorais la voir si fière. Ayant grandi ensemble, nous nous sommes éclatés à faire les mêmes bêtises. Il ne va pas sans dire que nos parents en ont vu des vertes et des pas mûres avec nous. Les 400 coups, on était les premiers à les faire. Quand un seul ça fait déjà trop alors les deux en même temps ce n’est pas pensable. Et pourtant.

Leurs parents se sont toujours aimés et au jour d’aujourd’hui, ils n’en restent pas moins très amoureux et très unis. Une famille comme on aime les voir dans les dramas. Les genres de famille très unis qui font de beaux enfants qui eux même vivent leur belle vie. Mais voilà, tout n’est pas forcément rose ni forcément noir. Il peut y avoir des tangentes. Par exemple, à l’école, Yong Nam n’avait pas forcément de bonnes notes et il se situait plus en bas du classement plutôt qu’en haut. Pourtant, il n’était pas un fauteur de trouble. Il écoutait les leçons bien qu’il passait plus son temps à regarder par la fenêtre qu’autre chose. Pas fauteur de trouble mais dissipé. Voilà le bon mot.

Mais il s’est découvert une passion. La photographie. Il y a de ça à peu près 4 ans, à l’aide d’un appareil photo jetable, il s’est mis à prendre des photos de paysages, d’amis, de sa sœur, et a trouvé alors qu’il pourrait faire plusieurs angles de vue et que, ma foi, il n’était pas si mauvais. En cadeau d’anniversaire, il demanda un vrai appareil photo et ses parents le lui offrirent. Ce fut le début d’une grande histoire d’amour entre la photo et Yong Nam. Et plus il prenait de photo – sa sœur jouant les mannequins – et plus il se disait que ça serait son métier plus tard. Mais avant d’avoir un métier, il faut un diplôme et quand on est mauvais en classe, ça fait pas bon ménage. Il quitta le lycée et resta quelques jours sans rien faire, chez lui. Mais les jours passant, il se dit que ça ne pouvait plus durer, alors il chercha un travail.

La photographie passa en second plan. Il trouva un travail dans un convini. Serveur et garde de nuit. Ce qui était plutôt pas mal puisqu’il put avoir un salaire. Qui dit salaire dit : prendre sa vie en main. Il arriva, au bout d’un an, à prendre son appartement. Le loyer était plutôt modeste tout comme l’appartement mais ça lui permit d’avoir son indépendance et de commencer sa vie. Il n’oublia pas sa sœur pour autant et continua de la photographier de temps à autre. Son salaire faisant, il réussit à s’offrir les bonnes choses quotidiennes pour vivre et il est fier de ce qu’il a bâti jusque-là.

Cependant, il se pose une question. Puisque la photographie est sa passion et qu’il pourrait même en faire son métier, pourquoi ne pas rentrer à Mangyo ? Il prend son temps pour réfléchir et, heureusement, ses parents ne le forcent pas. Ils lui laissent tout le temps pour prendre les bonnes décisions sachant que leur fils peut quand même être réfléchi. Les relations hors amitié, c'est-à-dire amoureuse, ne sont pas tellement fructueuses. Les seuls flirts qu’il a eu lui a coûté de se prendre sans cesse des râteaux et au jour le jour, il se demande s’il n’est pas plus doué pour rencontrer des hommes… Eh bien oui, en même temps que de réfléchir pour des études, il réfléchit quant à son orientation sexuel. Il n’y a rien de mal à ça et il fallait bien que ça arrive un jour. Comme sa proximité envers son meilleur ami, confident, frère de cœur, journal intime, est assez ambigüe, il vient à se poser la question sur le fait que, peut-être, il peut remettre son amitié en question et pencher plus vers une autre hypothèse. Mais ça, il ne méditera qu’intérieurement et seul, surtout, pour ne pas y risquer sa vie.

Il y a tant de choses à découvrir et à faire dans cette vie. Que chaton ne sait plus où donner de la tête.