« Monsieur Cheong, comment voulez-vous comprendre les autres si vous avez du mal à vous comprendre vous-même ? »

Ou un truc du genre. Il avait du entendre ces paroles des centaines, des milliers de fois ; chacun de ses professeurs les avaient formulées en ayant vent de ses ambitions de devenir psychologue. Il lui arrivait de se demander s'ils n'avaient pas raison. Après tout, ils en avaient vu bien plus que lui, ils devaient donc être en mesure de dire de telles choses, non ? Et puis, il était vrai que Woo Jin avait toujours été à la recherche de qui il était vraiment, changeant constamment d'apparence, de comportement et de cercles d'amis. Seulement, il finissait toujours par se raccrocher à son rêve, cet espoir de faire taire ses nombreux questionnements en tentant de répondre à ceux des autres.

D'un autre côté, il fallait tenter de se mettre dans sa peau. Ses parents avaient divorcé lorsqu'il avait à peine 2 ans ; il se demanda toute son enfance s'il était le responsable du malheur de sa mère, avec qui il habitait... Bien qu'il ne la vit que très peu, la pauvre femme préférant de loin s'oublier dans son travail que d'affronter la réalité de la mère monoparentale qu'elle était devenue. Woo s'en sortit tout de même plutôt bien, apprenant très tôt à s'occuper convenablement de lui-même... Cependant, une vide s'était évidemment créé, d'où sa peur incommensurable de voir partir ceux qu'il aime.

Malgré sa mauvaise situation familiale et sa forte recherche identitaire, jamais un des enseignants du jeune homme ne put lui reprocher de manquer d'efforts ou de volonté. Il s'appliquait - et s'applique toujours - du mieux qu'il le pouvait en classe, se hissant aisément dans les premiers rangs. Il avait peu d'amis, ayant quelque peu de mal à approcher les gens et les envoyant bouler dès que l'un deux se risquait, mais ceux à qui il accordait son amitié lui étaient très proches, et malgré son départ pour l'Université, il tenta plus que tout de garder contact avec ceux-ci.

Ce fut vers la fin de ses seize ans qu'il se fit finalement une idée de qui il était véritablement, après l'arrivée d'un nouveau à l'école qu'il fréquentait. Ce dernier gagna rapidement sa précieuse confiance et devint son meilleur ami, le poussant à s'ouvrir un peu plus à tous ; son homosexualité dévasta entièrement sa mère, qui décida qu'il était temps qu'il vole de ses propres ailes. Elle avait amassé de surprenants économies à ainsi faire du temps supplémentaire, bien assez pour permettre à son fils d'étudier dans le domaine qui le fascinait. C'est ainsi ce qu'il fit, suivant son meilleur ami à Mangyo.