"T'as les yeux à la masse du cerveau ou quoi ? Pauuuvre petit singe~"

Lee Yoon Baek
& Lee Jun Hyun

© Never-Utopia

Il y a des journées où l'on se dit qu'on aurait mieux fait de rester dans son lit, parce qu'une intuition vous dit qu'elle sera vraiment mais alors.... VRAIMENT mauvaise. Et dans ces cas-là, on se dit aussi qu'on aurait mieux fait de rester dans son lit, plutôt que d'être allé en cours. Et bien aujourd'hui fut de ce genre. Commençons pas le réveil, rien que ça. Je l'avais entendu sonner. C'était sûr ! Mais... Morphée me ramena dans le sommeil... Du coup, je me réveillai en retard. Ce fut douche express, habillage express et course express pour arriver en cours. En courant, j'ai même manqué de me transformer en serpillère en marchant sur un truc glissant qui trainait dans le couloir. Et au passage je me suis même cogné le genou contre un mur. Non mais croyez-moi, tout ça devait me dire qu'un truc pas bon allait m'arriver dessus moi je vous le dit. C'était plus de gaffe que d'habitude. En plus avant d'entrer en classe j'avais remarqué que mes fringues étaient mal mises. Le pull à l'envers, la ceinture mal bouclée... Bref, la poisse tout ça ! Ce fut donc après cinq bonnes minutes que j'entrais dans l'amphithéâtre, évitant de faire du bruit pour m'y installer. Une chance que ce coup là, je ne fis justement pas de bruit.

A la sortie, vous n'allez pas y croire, mais les signes de nouveaux s'accumulèrent ! Gamelle dans les escaliers de l'amphi, et je me pris même une porte dans la figure. Pour sûr, aujourd'hui, tous mes camarades avaient eu une bonne dose de fous rires ! Mais moi, tout ça ne m'indiquait vraiment rien de bon... Il m’était arrivé le même genre de choses le jour où ma mère m’avait dit que j’étais pris dans la même université que mon cousin. Et vous allez rire, mais ce jour –là, les signes étaient exactement les mêmes. Trop intrigant. Allais-je voir ce cousin aujourd’hui ? Non. Tout sauf ça ! Si c’est ça mais… Je me petit-suicide avec ma trousse ! Ou alors je saute d’un tabouret pour mieux mourir ! Ou je fais trois fois le tour du terrain d’athlétisme pour mourir d’asthme aigu ! En bref, je ferai un truc de malade juste pour me réveiller d’un cauchemar dont le héros principal serait mon cousin en personne assis devant moi. Pour me remettre un peu les idées en place, parce que là je devenais assurément dingue et bon pour l’hôpital psychiatrique, je pris la direction de la cafétéria de l’université. Un bel endroit ! Avec un buffet et tout. La grande classe. Je me pris un grand verre d’Ice Tea et prit aussi des fruits. Je m’installais près de la fenêtre du bâtiment et puis me mis à manger.

Je me sentis d’un coup beaucoup plus détendu et beaucoup mieux. Il n’y avait d’ailleurs pas grand monde ici. En même temps, ce n’était pas sur l’heure du déjeuner mais pendant un trou dans mon emploi du temps. Et puis la sonnerie de la pause sonna. Moi je ne quittais pas mon siège. J’étais vraiment bien là tout seul, à regarder dehors. Et puis une vague humaine déferla dans la cafétéria. Et là… Je compris direct ce que tous les signes des instants précédents avaient voulu me dire. Rester au lit pour… Eviter de voir mon cousin. Et moi j’étais comme acculé.

Pas moyen de l’éviter ni de me cacher. Même l’écharpe autour de mon cou ne me sera pas d’une grande aide. Et pourtant, instinctivement je la remontais sur mon nez pour fixer le dehors. Le problème, c’est que je sais qu’il me reconnaîtra direct cette grande tige. Oui grande tige. Cela lui va très bien en plus ! Et puis comme c’est un garçon qui fait le gorille devant les filles, c’est aussi un grand échalas simiesque. Jaloux moi ? A peine ! Il a juste du sex appeal et il en profite, il n’y a rien de glorieux là-dedans.

Non mais là, c’est la grande poisse. Il ne m’est même pas possible d’échapper à ce que ce garçon aussi maigre qu’un allogène, me saute dessus en me sortant la phrase du siècle. Impossible de sauter par la fenêtre non plus. Je suis donc obligé de trouver autre chose. L’écharpe remontée sur le nez, lunettes de soleil par-dessus… Oui je sais qu’il pleut dehors et qu’il fait gris… M’enfonçant dans ma chaise petit à petit, je savais que j’étais aussi discret qu’un lapin bleu au milieu d’une autoroute, mais je tentais le tout pour le tout.

Mais apparemment, il n’avait pas l’air d’avoir compris que je ne voulais pas le voir, ni que je voulais savoir quel avait été le résultat de sa pêche hebomadaire en tant que gorille des forêts tropicales des amphis de Gestion et d’économie. Ou alors peut-être qu’il avait migré un jour dans les prairies fleuries et printannières des bâtiments de la section Art ? Barf ! Peu m’importait le poisson pêché, que ce soit une raie manta ou un harang saure je m’en tamponnais le stroumpf avec une babouche. Et là, je voyais bien qu’il ne voulait pas rater l’occasion de venir me gâcher ma journée.

En somme les journées se suivent et se ressemblent ? C’est du moins l’expression que tout le monde utilise, hors pour la petite bouille adorable que je suis ce n’est pas exactement celle à utiliser. Pour moi, chaque journée est différente même si en somme le programme, ce sont les petits détails du quotidien qui font ça. Mais ce n’est pas vraiment le sujet en fait. Donc, ma journée a bien débutée, une journée légère et où je n’ai pas à me prendre la tête parce que pour cette fois, je sentais que ma journée allait être amusante. Peut-être était-ce dû au fait que ma dernière conquête n’avait pas tenté de me rappeler toutes les cinq minutes ? Oui, certainement en fait mais cela changera peut-être lorsqu’elle comprendra que je n’ai fait que jouer avec elle sauf que je ne préfère pas y penser. La sonnerie annonçant la fin de matinée de cours me sortit de mes plus profondes pensées et indiquait par la même occasion que la pause de midi venait de commencer. Comme tout le monde le sait qui dit pause de midi dit bon repas en perspective, en espérant simplement que la cantine scolaire soit dans un bon jour.

C’est sur cette joyeuse pensée de remplir mon petit estomac sans fond que je m’y rendais en compagnie de camarades de classe que je laisserai certainement pour aller manger avec d’autres connaissances, sachant comment je fonctionne c’est toujours le cas. Et c’est précisément ce que je venais de faire, plateau composé uniquement de fruits en main, pourquoi de fruits ? Parce qu’il n’y avait que je n’ai envie de manger et je songeais déjà à me trouver une gentille demoiselle pour me préparer un succulent repas. Comme quoi, s’il y a bien quelque chose de moi qui ne change pas, c’est ça. Et maintenant, je passe du coq à l'âne parce qu'il me faut une place pour manger et donc, je cherche activement celle-ci jusqu'à apercevoir... Lee Jun Hyun et c'était franchement bien tombé même si dans ses yeux on pouvait clairement deviner qu'il n'avait aucune envie de me voir mais tant pis, il allait devoir me supporter ! Et hop, installé en quelques secondes alors qu'il ne m'avait pas invité, tant pis vu que de toute manière il ne pouvait fuir donc tout cela m'arrangeait.

« Coucou toi ! Alors, comment ça va depuis... Longtemps en fait. C'est à croire que tu m'évitais et ça en est un peu vexant, moi qui ai tant de choses à te raconter. »

Bien évidemment, des tonnes et des tonnes de choses mais maintenant par quoi commencer ? Je n'en savais strictement rien et donc je verrais bien comment lui sortir tout ça de manière bouillonne, en vrac comme d'habitude en fait quand dans ces moments là mon cerveau ne prend plus la peine de mettre les informations en ordre. Enfin, pour le moment j'avais déjà une pomme dans la main et je croquais dedans dans l'espoir que ma faim soit quelque peu étouffée avec. Quoi que j'aurais pu m'étouffer en fait avec cette pomme mais je venais de me débarrasser très vite de cette pensée désagréable.

Je posais donc mes yeux sur la tête bouclée qui me servait de cousin et je le jugeais en fait, rien de méchant mais je le jugeais. Je ne comprenais pas pourquoi il n'avait personne dans sa vie, une petite copine ne lui aurait vraiment pas été un problème mais il devait certainement être trop maladroit. En tout cas, quelque chose n'allait pas et je ne savais vraiment pas quoi, après tout je n'avais pas vraiment eu l'occasion de le découvrir depuis mon arrivée en Corée surtout compte tenu du fait que nous ne nous étions vu que pendant les vacances.

« Vraiment, en étant habillé normalement, propre sur toi et aussi mignon, comment tu fais pour être encore célibataire à ton âge ? Même moi j'en suis frustré en fait, il faut vraiment que tu te lances, j'ai peur pour ton avenir là. »

Bien évidemment, j'étais à moitié sérieux et je le taquinais aussi là parce que sinon ce n'était pas drôle. Je le voyais déjà réagir un peu de manière excessive... Ou pas en fait, mais ça je n'allais pas tarder à le voir donc ça me faisait juste sourire mais vraiment car j'avais un petit sourire taquin sur les lèvres tout en mangeant mon fruit. J'attendais simplement sa réaction avec impatience.

Non mais ce n’est plus une question de malchance là ! C’est pire que ça ! C’est… Le monde entier qui est contre moi ! Ma surprise était plus que grande. Elle était immense. Si j’avais su qu’il allait lui aussi mettre les pieds dans cette cafétéria, je n’y aurait même pas mis les pieds ! Mais le mal était fait. J’étais là, je devrais affronter mon cousin. Oh on ne se connait certes pas beaucoup, mais disons suffisamment pour qu’il me charie et pour que moi je voue contre lui un sentiment d’aversion assez particulier. Ok, je vous l’accorde, c’est mon cousin, donc au fond je l’apprécie… Un peu… Bon allez, suffisamment pour que je ne l’ignore pas constamment non plus. Mais je déteste son caractère. C’est à mes yeux un gosse de riche qui se croit tout puissant. Et qui plus est ne semble pas avoir le moindre regret de me refiler ses anciens vêtements qu’il n’aime plus. Bon là aussi c’est pas trop de sa faute, c’est ma mère qui supporte pas de voir sa sœur chercher à les mettre à la benne à ordure. N’empêche qu’ils me font rire à chaque fois quand ils nous demandaient à chaque fois quand on irait chez eux pour une fois. Non mais ils ont cru que la vie était un kiwi ? On avait même pas les sous pour faire un voyage à l’étranger alors aller chez eux, c’était comme croire que des éléphants roses vivent dans les montagnes occidentales de l’Himalaya !

Ma surprise était énorme. Moi qui m’étais promis de ne jamais croiser Yoonie, me voilà bien ! Il m’avait vu, moi, enfoncé dans ma chaise, prêt à disparaitre sous la table, lunette de soleil sur le nez et écharpe cachant en vain le bas de mon visage, et il s’était tout de suite dirigé vers moi. Le plateau résonna sur MA table, et la chaise en face de MOI se fit entendre. Et c’est encore sur MA table qu’il mangea ses fruits. Je me redressait lentement, m’avouant vaincu… Enfin, pas totalement non plus. Je retirais mes lunettes, tandis qu’il m’adressa la parole :

« Coucou toi ! Alors, comment ça va depuis... Longtemps en fait. C'est à croire que tu m'évitais et ça en est un peu vexant, moi qui ai tant de choses à te raconter. »

Oh ! La belle nouvelle que voilà ! Yoonie avait des taaaas de choses à me raconter ! Et genre il allait se plaindre que je le fuis, l’évite, l’ignore, le rend totalement invisible à mon regard. Avoue que ça te fais des vacances petit gorille de l’économie ! D’autant qu’il sait pertinemment que je HAIS quand il parle de lui, encore de lui, rien que de lui, et toujours de lui. Tandis qu’il parlait je m’emparais de mon verre… D’Ice Tea… J’aurais dû m’en rendre compte depuis longtemps ! Depuis quand je bois de l’Ice Tea ?! Je reposais alors mon verre assez rapidement en fait et lui répondit :

« Oh tiens ! Quelle belle surprise ! » Non elle est affreuse, honnêtement je me serais attendu à mieux comme apparition… « Et oui, ça fait longtemps… En même temps on habite pas à côté hein ? Et puis tu te fais des idées ! Moi ? T’éviter ? Mais non mais non » Si Si Si et avec beaucoup de bonne volonté d’ailleurs. « C’est le concours des circonstances qui font que l’on ne se croise… presque jamais. » Je lui adressait un petit sourire. « Plein de choses ? Ah mais de toute façon, tu as toujours de quoi écrire des romans ! » Et je n’ai aucune envie de l’entendre parler de ces choses.

Et lui me fixait. Je détestais ça. Affreusement. C’était horrible, car je savais qu’il me jugeait. Quoi ? T’as jamais vu un mouton blond solitaire de ta vie ? En même temps, le gorille qui bombe le torse tout le temps devant les guenons ne pourra jamais comprendre le désarroi du mouton solitaire… Et s’il ne comprenait pas comment moi je faisais pour vivre sans petite amie, moi je ne comprenais absolument pas comment lui il pouvait être aussi cruel avec les filles. Elles étaient vraiment des chaussettes à ses yeux ou quoi ? Il devait bien y avoir une raison, mais bon… Au fond je m’en fichais un peu.
Il rompit de nouveau le silence qui s’était installé tandis que l’on se jugeait mutuellement.

« Vraiment, en étant habillé normalement, propre sur toi et aussi mignon, comment tu fais pour être encore célibataire à ton âge ? Même moi j'en suis frustré en fait, il faut vraiment que tu te lances, j'ai peur pour ton avenir là. »

Il me cherchait là. Je le sentais. C’était trop puant de taquinerie. Mais genre il est frustré de mon célibat chronique. Et genre il a peur pour mon avenir. Il voulait se bouffer mon verre de sa boisson préféré ? S’il me cherche encore, ça finira bien par lui arriver, mais pour le moment je me retiens très fort.

« Vraiment, en étant habillé aussi proprement, et aussi élégamment, en étant même aussi mignon, comment tu fais pour être encore un briseur de cœur à ton âge ? Même moi j’en suis blessé en fait, il faut vraiment que tu te restreignes un peu mon grand, j’ai peur pour ton avenir là. Nan parce que là… Je trouve ton cas juste désespéré ! »

Lui envoyais-je à la figure, avec un ton plus que détaché. Ouais, désespéré. Car j’avais hâte qu’une fille aussi jeteuse de chemise que lui, tombe dans ses bras et le jette comme une vulgaire chaussette pourrie, j’avais hâte qu’il se fasse prendre par son propre jeu, tel le didon de la farce ou l’arroseur arrosé.