Ouah, non mais quelle tronche ! Je tire sur mon visage, le zieutant dans le miroir des toilettes et puis grimace, mécontent du résultat. J’ai une gueule de zombie ma parole ! Je fronce les sourcils et soupire. Fais chier. Quelle sale journée. Et je n’ai même pas mangé depuis ce matin, si je m’évanouis je vous jure que je demande une augmentation de salaire ! OH Mais quelle tristesse, je ne suis pas payé étant donné que je suis l’aspirant PDG de l’entreprise familiale !

Comme si je n’avais pas déjà assez de soucis ! Déjà ça va faire trop longtemps que j’ai pas vu Yong Nam tout seul, c’est à dire, sans autre ami, ce qui est quelque chose de très important à mes yeux vu notre complicité. Ensuite, j’ai appris que je suis fiancé à la petite fille du directeur de l’université. Et ça pourquoi ?! Parce que mes parents ont peur que je ne trouve pas de copine ! Faut pas se foutre de la gueule non plus ! Et puis l’autre directeur là, juste à vouloir un sponsor… Il aurait pu me demander et je lui en aurais donné de l’argent moi ! Tout ce qui veut le monsieur ! Je tape du pied et applique un peu de gel à l’aloe vera pour réveiller ma peau et effacer mes cernes. J’aurais du prendre du fond de teint je le savais bien !

Je soupire. Si encore y avait que ça ! Non, il a fallu que je croise l’autre bouffon de Lee Sian qui m’a encore fait son sourire de vainqueur après sa victoire de la dernière fois. Monsieur « Mon monde est parfait » m’énerve profondément ! je sais pas comment les gens le supportent, il a tellement pas de personnalité ! Du genre moi… MOI ?! J’ai pas de couilles ?! Mais… Mais je l’emmerde ce petit ! Comparé à lui, je ne peux pas me la couler douce moi ! J’ai des responsabilités et qu’il ose penser un instant que je puisse m’en défaire comme ça, du jour au lendemain… C’est stupide ! Ah et il était avec sa copine. S’il savait ! S’il savait !! En tout cas, Bo Ra n’avait pas trop l’air en mauvaise forme, il a l’air d’ne prendre soin et ça me rassure. La seule chose de bien qui se soit passé aujourd’hui c’est… Mi Ran ! parce que j’ai pu la voir, on a discuté, papoté, rigolé… Ca m’a fait du bien et je suis heureux de voir qu’elle aille mieux. Il faudra que je vienne chez elle et que je lui fasse un gros cadeau pour me faire pardonne de l’avoir inquiété.

Bon, il y a aussi une bonne chose… Mes cheveux sont parfaits ce soir encore. Par contre y a encore des choses qui m’ont fait chier. Comme, le cours de politique du produit où j’ai cru que j’allais me suicider en comprenant qu’on refaisait le cours de la dernière fois… Et aussi celui de communication de publicité. Bon sang, mais sauvez moi de ce trou à rat ! Et puis y a sérieusement que des abrutis dans ma classe qui ne savent ni parler coréen, ni compter sur leurs doigts. Ô et je vous épargne la gestion parce que sinon vous vous suicidez avec moi !

Bref, remettons bien [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], ma ceinture est correctement mise et voilà. Un soulagement en plus. Je remets mes cosmétiques étalés autour de l’évier dans mon sac et sors mon roman « L’école des femmes » de Molière. Le club de lecture et écriture s’est décidé à enfin entamer la littérature française. Bon, il est vrai que j’aurais préféré lire ça dans sa version originale mais malheureusement pour moi, je ne parle pas un mot de français. Plongeant entre les lignes du bouquin, je me dirige vers la sortie des toilettes et ignorant les bruits de course qui arrivent jusqu’ici, je me prends une nana dans la figure, reculant avec agacement et voyant que c’est Iseul, je vire blanc comme un linge.

Attends, attends ? Pourquoi elle est aussi paniquée ? Je regarde un peu plus loin dans le couloir, le surveillant principal hurlant comme un cochon égorgé, l’attrapant par le bras illico et la traîne jusque dans une cabine.

« T’as vraiment le chic pour attirer des ennuis à tout le monde toi… Et pas qu’à ton père… »

Montrant les dents, je range mon livre et en entendant l’autre babouin entrer comme une furie, je lui plaque ma paume sur la bouche, la colle contre le mur, lui fait « chut » de l’index et hurle en criant à mon tour :

« Yah ! YAH ! Il t’arrive quoi le vieux ?! »

Croisant les bras et habitué à ce que je le taquine sur son âge, il secoue la tête et tape contre la porte.

« Ah non toi tu me saoules pas ! T’aurais pas vu la ptite Gim ?! Elle s’amuse encore à faire les princesses ! »

Je reste placide et nettoyant mes mains comme si je sortais vraiment des toilettes, je rétorque d’un « non » de la tête et le laisse s’éloigner rapidement, se remettant à beugler le prénom de ma chère et tendre… Fiancée non voulue.

« Tu peux sortir il est parti. »

Vu son tempérament tout feu, tout flamme que je connais de réputation et pour avoir pris des photos avec elle, je peux prédire qu’elle ne va en aucun cas me remercier, je dirais presque carrément le contraire !

« Qu’est-ce que t’as encore fait pour qu’il te fasse la course le grand-père ? Tu sais bien qu’il ne faut pas jouer avec son cœur, il est cardiaque le pauvre ! »

Peut-être qu’au moins on partage le même sens de l’humour ? Et les mêmes intentions… Se débarrasser de ces fiançailles non voulu… Enfin, je ne suis même pas sûr qu’elle soit au courant. Connaissant son père et ses coups foireux. On verra bien ça se trouve il l’a enfin mis au parfum et je risque de me prendre une énorme baffe dans la tronche dans quelques secondes. De toute façon, au point où j’en suis, ma soirée ne peut pas être pire que ma journée ! Quoi que. Minute de réflexion, s’il vous plait Dieu, Esprits ou Bouddha, pardonnez-moi de tous mes pêchés ! Je suis un garçon innocent et très gentil, je vous jure !

Oui ce n’est pas tous les jours qu’on reçoit des gens dans les toilettes et surtout pas sa fiancée ! Oui bon, ce serait mieux si elle ne l’était pas mais on ne peut pas tout avoir dans la vie. A part une certaine once de respect. Bon, c’est déjà ça. Mine de rien, elle avait l’air surprise de me voir et je l’admets, c’est réciproque ! Quelle coïncidence de voir Iseul dans les toilettes des garçons… Et poursuivi par un homme du 3ème âge.
Il est sûr en tout cas que mes parents ont bons goûts niveaux femmes cependant… Elle ne m’intéresse pas et j’ai horreur qu’on arrange les choses pour moi. Surtout si on pensait partir d’une bonne intention ! Je soupire en comprenant qu’elle est encore à sécher ses cours initiaux et lui secoue la tête.

« Tu devrais au moins suivre un minimum tes cours, t’as plus 14 ans pour fuir tes responsabilités ! »

Je m’essuie les mains. Et oui ma chère petite chérie, ton mari n’est pas un homme simple. Tout le monde le sait que je vais devenir l’héritier de ma marque ! Et que je suis tous mes cours à la perfection. Imagine si je faisais vraiment des conneries, notre mariage serait tout de suite prévu ! Et pourtant, Dieu seul sait combien j’aimerai partir de cette fac et faire de l’astronomie dans l’institut d’à côté. Sauf que sa phrase d’après fait taire mon sourire et je grimace. Déjà qu’elle se permet de se tripoter devant moi et maintenant elle s’appelle « Ma future épouse » ? Non mais faut pas pousser papy dans les orties non plus ! Je prends une serviette en papier, essuie l’eau sur sa nuque, ses clavicules, lui sourit et éponge doucement son front.

« Pas la peine de me remercier voyons. Entre fiancés non désirés, on va devoir se prêter main forte pour faire disparaître l’idée de nos parents de leurs têtes. Parce que si j’ai bien compris… Tu es du même avis que moi sur cette histoire, je me trompe ? »

Je la tire en dehors des toilettes et l’attrape par l’épaule, vérifiant que les surveillants ne sont pas encore à la recherche de notre fugitive.

« Tu sais faire la cuisine au moins ? »

Oui, je lui pose vraiment cette question. Il faut bien de toute façon, dans pas longtemps mon père a prévu de nous acheter des bagues en or blanc alors… Autant faire connaissance avant que tout ça devienne trop grave et qu’on se déteste. Je balaye le couloir de gauche à droite, avançant avec prudence et lui cache le visage lorsqu’un pion arrive près de nous.

« A dire vrai, j’ai pas du tout envie de me marier avec toi et j’ai pensé à plusieurs solutions. Le truc c’est que je peux pas m’amuser à te jeter comme une sombre chaussette parce que tu ne m’as rien fait et parce qu’après tout, nous sommes un minimum civilisés entre nous. »

Arrivant près de la sortir du bâtiment de cours, je lui attrape la main et nous emmène dehors dans le campus, nous posant sur un banc.

« Et si ton père apprend que je t’ai quitté ça va sûrement me retomber dessus et j’ai un dossier parfait… Il vaudrait mieux que j’évite les soucis avec la fac tu vois ? Mais dans un sens, si toi tu me balances, mes parents risquent de couper l’argent qu’il verse à l’école et ça me retombera dessus… Et sur toi ! »

Je soupire et me malaxe les tempes devant la situation plus que compliquée. Je croise les jambes et sors mon portable, répondant à un sms d’une amie.

« On peut pas non plus les trucider et j’ai déjà essayé de me rebeller mais disons que c’est pas trop facile… Etant donné que je suis le garçon modèle et que je ne me plains jamais et j’ai déjà mon avenir en jeu… Fin’ disons que je me tiens à carreau pour pouvoir faire ce que je veux plus tard donc comprends que je vais éviter de les foutre déjà en rogne… »

Je lui remets une mèche en place et lui souris tendrement. Ça sert à rien qu’on s’engueule tous les deux on a déjà assez de problèmes comme ça.

« En attendant, il faut que je fasse attention à comment je m’occupe de toi sinon ton père risque de me faire la peau… Je ne le pensais pas comme ça ! »

Je m’étire et sors mon roman, gardant une distance moindre entre nous deux. Je suis naturellement paranoïaque et étant donné que je dois agir comme Monsieur Fiancé Parfait, je vais éviter de me faire repérer par l’équipe administrative ou si je le fais, c’est en bien. Autant qu’il est de bon écho le vieux Gim.

« Pourquoi ne pas tenter de je sais pas… Il faudrait les convaincre mais ce n’est pas facile. Mes parents ont peur que je ne trouve pas de copine et comme ton père cherche à te caser et à avoir plus d’argent ben on se retrouve coincé là-dedans. «

Je suis si moche que ça pour qu’il pense que je ne me trouverai pas facilement de copine ? Quelle bande d’ingrats !

« Te connaissant t’as du en parler à ton père déjà non ? »

Je tourne les pages de mon livre, lisant et parlant en même temps. Pour sûr qu’Iseul et moi on ira pas ensemble… Je risquerai de l’ennuyer et je pense que niveau personnalité, on va pas vraiment accrocher elle et moi… Bref, espérons qu’elle a des idées de génie !

J’imagine que mes questions sont assez louches, parce que c’est vrai que demander à une nana de si elle fait la cuisine c’est un peu… Bizarre ? Si on est amené à devoir se supporter plus longtemps que prévu, je préfère la connaître un minimum pour savoir à quoi m’attendre dans n’importe quel scénario ! Puis, manger, c’est important voyons !

Dans tous les cas, nous avons l’air de partir sur de bonnes bases et ça tombe bien, tous les deux souhaitons un peu la mort de chaque parti, il faut dire qu’elle a l’air vraiment remontée contre son père… C’est un peu triste en y pensant, je me demande bien ce qu’il a fait ce boulet. J’hoche la tête pour lui montrer que j’écoute attentivement ce qu’elle dit et continue mon petit spectacle à la James Bond, me fondant dans le décor, la nature nous entourant maintenant.

« La première fois qu’il te soumet ? Hmmm, une femme qui ne se laisse pas faire, c’est plutôt intéressant, je l’admets ! »

Enfin, en y repensant, pauvre Papa, il a dû déguster… Je lui souris l’air taquin et retourne à lire mon libre, sans broncher et continuant la conversation en même temps. Euh… Jusqu’à qu’elle me fasse réellement part de ses idées de « génie »… Mon Dieu. Je reste bouche bée avec de grands yeux, mon livre tombant sur sa tranche, mes genoux pâtissant. De… De quoi ?! Enceinte, suicide ou fuguer ?! Mais mais, elle veut lui faire faire une attaque à son imbécile de père ? Et mes parents risquent de me tuer aussi…

Toutefois, elle n’a pas totalement tort, il n’y a pas trop d’autre solution. Je fronce les sourcils et range mon bouquin dans mon sac, la fixant sérieusement et accompagné d’un air grave :
« Pour ce qui est d’être enceinte, je ne pense pas que ça soit une bonne idée, c’est pas très bon pour toi physiquement et mentalement… Menacer de te suicider c’est vrai que c’est pas mal… »

Même si, au fond de moi, je n’apprécie pas trop l’idée de jouer là-dessus car c’est un sujet assez complexe, j’imagine que c’est mieux que la foutre en cloque avec n’importe quel inconnu… A moins qu’elle est déjà quelqu’un en tête ? Je me frotte le menton, détourne le regard autour de nous et replonge mes pupilles dans les siennes :

« Pourquoi ne pas faire les 3 ? Si tu as une idée d’avec qui tu as envie d’avoir un enfant… Enfin, après, c’est un peu dangereux, ce n’est pas comme si tu avais d’un bébé sur les bras, non ? Et avorter ce n’est pas une idée des plus belles… Après, mentir, je dis pas… Ca peut-être bien ? »

AH ! Comme si une idée venait de me prendre, je tape sur ma cuisse et m’approche un peu plus d’elle, baissant le ton de ma voix :

« Pourquoi ne pas lui dire que tu es tombée enceinte de qui tu veux, ensuite, selon sa réaction qui risque de ne pas être la meilleur tu lui fais chantage affectif et tout le bataclan et après… Tu fugues ! Pour cette partie-là, je te laisserai pas non plus dans le besoin, sait-on jamais s’il s’amuse à te couper les vivres… Bon, tu vivras pas chez moi parce que ce serait stupide de notre part, mais j’ai toujours de quoi payer moi… »

Je secoue la tête et ramène mes genoux près de moi, mes talons appuyés sur le rebord du banc.

« De mon côté, pour mes parents, j’ai déjà une petite idée de comment leur faire comprendre que je n’en veux pas. Disons que j’ai des amis très proches donc soit je me fais passer pour un gay sois je fais passer une amie à moi pour ma petite amie… Enfin, la mère de l’autre me prend déjà comme tel. Donc, ça peut être un bon avantage. »

Je pose mes mains sur ses épaules et déglutis, prenant une longue inspiration :

« Mais avant ça, il faut aussi qu’on montre que notre couple ne va pas ensemble. Alors n’hésite pas à me gueuler dessus, me taper des caprices et pourquoi pas me frapper si je t’énerve. Néanmoins, pas trop fort s’il te plait, ou alors à des endroits qui ne se voit pas… J’ai une image dirons-nous… »

Ben oui, je suis mannequin, un peu de compassion pour mon corps ! Dans tous les cas, je la lâche, je pense qu’on a un bon plan et qu’on peut très bien s’en sortir, vite et bien ! Je croise les bras et arbore un sourire ravi. Papa Gim, Papa Hwang, vous allez prendre cher !