▬« Park Ha...tu sais où est maman, n'est-ce-pas ? » une fillette reste immobile une seconde avant d'empiler ses pièces en plastique jaune fluo. Comment pourrait-elle le savoir ? Elle ne l'a plus vue depuis une semaine. Elle le lui a très bien expliqué après tout « Je n'aime plus ton papa. J'ai pris un autre appartement. Maman revient très vite. Et elle reviendra te chercher. ». Park Ha regarde la petite salle faiblement éclairée. Elle n'a que cinq ans et ne voit pas où son père veut en venir mais la lueur de ses yeux est étrange. Elle n'y prête pas beaucoup attention, riant en continuant son jeu, absorbée par l'immeuble bancal et sans portes ni fenêtres sur lequel elle s'attelle depuis une bonne heure maintenant...à moins qu'elle n'y ait passé tout l'après-midi. Il faut dire qu'un bâtiment tout jaune, ce n’est pas bien. Mais sa cousine lui avait piqué ses briques bleues et rouges. Elle a dû faire sans. Et puis, ainsi, sa Barbie aura les cheveux assortis à sa maison.

« Je ne sais pas. » répond la fillette, imperturbable.

« Park Ha...ta maman couche avec un autre homme. »

« Ah ! » un bruit de clef se fait entendre dans la serrure. La petite se précipite dans les bras tendre de sa mère qui n'ose pas croiser le regard de son mari :

« Où étais-tu salope ? »

« Chez moi. »

« Comment oses-tu ? »

« Ecoute...nous ne sommes plus ensemble. Nous avons divorcés. Tu as même signé les papiers...» il lui attrape le bras avec violence. La jeune femme arrive à se dégager et à monter à l'étage. Elle monte s'enfermer à clef dans la chambre de la fillette. Elle n'a pas peur pour elle mais pour sa gosse. Le père de celle-ci n'a jamais été violent, sauf depuis qu'elle s'est mise à le quitter. Elle ouvre un grand fourre-tout dans lequel elle met les objets préférés de la petite ainsi que ses robes, pulls et autres vêtements et elle descend :

« Laisse-moi ma fille. »

« Tu n'es pas en état de t'occuper d'elle. » lui répond-t-elle calmement tandis qu'il s'effondre dans le canapé. Culpabilisée, la jeune femme s'assoit près de lui :

« Tu sais bien que j'ai obtenu sa garde. »

« Qu'est ce que j'ai fait de mal ? »

« Mais tu n'as rien fait de mal. Je ne t'aime plus, c'est tout. Nous avons déjà eue cette discussion... » Dire qu'il est un salopard manipulateur aurait été trop risqué. Violent, il ne l'est que rarement ; destructeur psychologique correspond à son portrait craché. La mère et la fille s'en vont. Dans la voiture, le calme se fait.

« Papa a dit quelque chose avant que je n'arrive. »

« Oh rien. Il m'a juste dit que tu couchais avec un autre homme. »

« QUOI ? » le sang de madame Kwon ne fait qu'un tour. Elle rebrousse chemin et ouvre la porte à la volée.

« TU AS DIT QUOI A CETTE GAMINE DE QUATRE ANS ET DEMI ? ESPECE DE TARE ! » Ils commencent alors à crier, à s'insulter, la petite tend les bras en pleurant, rien n'y fait, ils continuent. Elle ne peut pas les toucher, entourés d'une force qu'elle ignore :

« MAMAN ! PAPA ! » Et voilà comment s'est forgé le tout premier souvenir d'Ahn Park Ha.

Park Ha a revu son père quelques fois. Sa mère ne le lui interdisait pas. Elle restait méfiante tout en ne disant pas trop de mal de lui pour que sa fille se fasse sa propre opinion. A douze ans, elle décréta qu'elle ne voulait plus aucun lien avec lui. Et cela arrangea bien les choses vu qu'elle s'installa dans la banlieue Séoul avec son beau-père (qu'elle connait depuis sa plus tendre enfance et avec lequel elle est très complice), sa mère adorée ainsi que son grand-frère. L'adolescence arriva avec les affres de la vie. Park Ha a subi beaucoup de coups durs. Les professeurs passaient leur temps à la ridiculiser. Elle était dans un lycée normal et beaucoup d'élèves jalousaient son niveau de vie ou en profitait. Heureusement, elle avait le fils de M. Ahn sur lequel compter. Elle traîna davantage avec les amis de ce dernier qu'avec les gens de son école. Ses parents n'étaient pas au courant de ce qu'elle traversait. C'est un jour où elle a failli se battre avec ses camarades de classe qu'elle en parla et elle fût changée d'école. Elle côtoya un établissement de riches : au début, cela ne lui convenait pas non plus : les murs eux-mêmes suintaient de vanité. C'est au lycée qu'elle se sentit vraiment à sa place. Un jour, elle a débarqué chez son frère en chemise de nuit pour papoter. Celui-ci l'a poussée sur le lit. Elle croyait qu'il blaguait jusqu'à ce qu'il tente de déboutonner son chemisier :

« Je t'aime. » elle était sonnée. Pas lui, non, pas lui... ! N'étant pas un violeur en puissance, plutôt même très gentil, il ne la força pas à aller plus loin mais cette expérience la dégouta. Elle n'en a jamais parlé à personne. Heureusement, la dernière année de lycée toucha à sa fin. Quelques mois plus tard, elle s'installa à Séoul pour y faire ses études. Attirée par les arts sans avoir d'idées précises de ce qu'elle voulait faire, la Mangyo lui semblait idéale ! Elle vient de rentrer en deuxième année.