Le réveil sonne une fois de plus très tôt le matin. Je serre les paupières, et éteins immédiatement la sonnerie qui est plus qu'agaçante. Il faudra que je pense à la changer la prochaine fois, elle commence sérieusement à m'énerver. Enfin, même si c'était les vacances, il se met toujours en route, et j'en suis consciente, c'est fait exprès. Lentement, j'ouvre les paupières, voyant que la chambre est toujours sombre, sans aucun rayon de lumière pour l'éclairer à mon grand soulagement. Après de maintes étirements, m'être frottée les yeux et un petit bâillement sorti de la bouche, je me lève enfin de mon lit, et enfile un petit gilet blanc par-dessus mon débardeur gris de pyjama. J'avance ensuite doucement vers la porte-fenêtre de la chambre, et écarte les rideaux qui cachaient la vue sur l'extérieur. Je souris en voyant l'aube qui commence à se discerner dans le ciel. Discrètement, j'ouvre la porte-fenêtre puis mets les pieds dans le balcon, et pose mes avant-bras sur la barre. Je regarde de tous les angles le rose qui colore le ciel et les nuages, en attendant que le soleil se lève. Une vue qui d'après moi est plus que magnifique à voir, j'ai toujours aimé regardé l'aube, même si cela doit me coûter de me lever très tôt le matin. Ma famille d'accueil se pose beaucoup de questions sur ma fascination sur une simple vue qui se répète toutes les matinées, mais à vrai dire je n'y fais pas attention. Ils n'arrivent pas à le comprendre, qu'est-ce que j'y peux ? Tant que ça ne m'empêche pas de contempler l'aube encore et encore, ça ne me pose pas de problèmes. De plus que quand je le regard, je me pose beaucoup de questions sur le déroulement de la journée qui va suivre. A quelles surprises je vais m'attendre ? Quelles rencontres ? Quelles retrouvailles ? Toujours les mêmes questions qui me trottent la tête à cet instant. Je reste là à contempler le ciel rosé, jusqu'à ce qu'il laisse le bleu lui faire changer de couleur.

Quelques heures plus tard, j'ai pris son petit-déjeuner, suis passée à la salle de bains en prenant tout mon temps, comme d'habitude. Maintenant j'étais dans ma chambre, en serviette, plantée devant ma garde-robe. Qu'est-ce que je vais me mettre ? Aujourd'hui je vais voir Ri Han, donc il faut que je paraisse quand même présentable. Mais d'un autre côté je peux pas trop sortir les plus beaux vêtements vu qu'on va à la patinoire. D'ailleurs ça me fait penser que je ne sais pas patiner. La seule fois que j'y ai été j'avais sept ans, c'était pour l'anniversaire d'une copine de primaire, et je tombais toutes les cinq minutes. Conclusion : je vais me taper une honte phénoménale. Bon, 'faut d'abord que je trouve une tenue à mettre. Si on vire les jupes, les shorts et les robes... Il ne reste plus grand-chose. Tant pis, j'opte pour un jean foncé, un débardeur blanc, on va pas se compliquer la vie ! Après tout on va à la patinoire, c'est pas comme si c'était un grand défilé de mode... Je m'attache ensuite les cheveux en une queue simple, histoire qu'ils ne me gênent pas une fois les pieds sur la glace, et mets un serre-tête histoire de décorer un peu. Bon, y'a encore quelques mèches de devant qui dépassent, mais c'est pas trop grave. Je me maquille comme d'habitude, c'est-à-dire un trait d'eye-liner, du crayon noir et un coup de mascara pour la touche finale. Voilà, ça devrait aller.

Après avoir déjeuné, je mets rapidement mes bottines noires, enfile ma veste en jean, et vais remplir vite fait mon sac à main noir. Alors porte-monnaie, papiers, brosse à cheveux, portable, clés... Bref. Tout le nécessaire dont j'aurais éventuellement besoin. Avant de sortir, je préviens ma mère adoptive que je m'en vais, histoire qu'elle ne me cherche pas pendant trois heures. Je ferme la porte derrière moi, puis me dépêche d'aller à l'arrêt de bus. Le véhicule arrive pile en même temps que moi, ouf c'était moins une ! J'entre et m'installe sur un siège, juste à côté d'une fenêtre. Nerveuse, je vérifie mon apparence en jetant un coup d’œil à mon miroir en forme de la tête d'Hello Kitty. Oui bah je l'ai eu pour mes huit ans, j'étais une fan incontestable de ce chat à l'époque. J'étais tellement accro que j'avais des paquets de mouchoirs de cette marque, des peluches, des draps, des bijoux, un peignoir, des lunettes de soleil, des serviettes... J'voulais même du papier toilette Hello Kitty, mais heureusement mes parents n'avaient pas voulu. Donc vous pouvez rire avec mon miroir, c'était pire avant. Je vois même une petite fille dans le bus qui le regarde avec des grands yeux, comme si c'était des étoiles, tenant la main de sa maman qui discute avec une autre personne. Non, c'est le mien, pas touche ! Je tiens très fort aux objets que m'ont offert mes parents, limite j'étais à deux doigts de pleurer quand j'ai offert mes barbies à la petite fille de ma mère adoptive pour Noël. Je range rapidement mon miroir dans mon sac, et fais mine de rien. Mais j'ai beau l'avoir caché, cette petite me regarde très noir. Si ça continue elle va se mettre à pleurer, je le sens d'ici. Non, non, pas tout de suite, attends que je m'en aille d'ici et après fais ce que tu veux ! Lorsque le bus arrive à l'arrêt de la patinoire, je me lève sitôt et sors du véhicule.

Bon maintenant, je n'ai plus qu'à attendre Ri Han devant la patinoire. Je m'appuie contre le mur, regardant les gens passer, et regarde mon portable toutes les trente secondes pour voir s'il ne m'a pas envoyée un message ou essayé de m'appeler. Ah ça fait tellement longtemps qu'on ne s'est pas vus depuis la fin des cours que je sens mes battements de cœur s'accélérer. Je me demande par quel moyen il va arriver cette fois-ci. Est-ce qu'il va encore emprunter la voiture de son frère pour arriver jusqu'ici ? Cela ne m'étonnerait même pas, je le connais tellement bien... Je regarde autour de moi, guettant son arrivée.

Je soupire, regrettant d'avoir oublié une nouvelle fois mon mp3. Je me disais aussi que j'avais oublié de mettre quelque chose dans mon sac, il m'a semblé étrangement vide. Pourquoi à chaque fois je l'oublie sur cette fichue table de chevet ? Si ça continue je vais finir par écrire un post-it "ne pas oublier mp3". Quoique, je suis sûre que je serais même capable d'oublier de faire le post-it. Ahlàlà, c'est fou comme ce Ri Han sait se faire attendre. Je suis sûre que je serais capable d'attendre une heure rien que pour le voir. Dire que je m'étais dépêchée de peur d'arriver en retard. Tu parles ! J'aperçois alors une voiture familière à ma connaissance, et essaie donc de visualiser le conducteur de loin. Ah, c'est lui ! Je ne quitte pas le véhicule du regard, le voyant se garer. Qu'est-ce que je disais, il a encore piqué la voiture de son frère ! Je le regarde sortir de la voiture, avec un grand sourire que je connais que trop bien, et me fat un signe de main. Je souris à mon tour, et lui réponds en agitant mon bras. On se croirait limite dans un film américain où le beau type super populaire débarque avec voiture pour rejoindre sa petite amie. Je remets une mèche derrière mon oreille, gardant toujours le sourire aux lèvres, pendant qu'il arrive vers moi. Lorsqu'il arrive enfin à ma hauteur, il commence par dire qu'il est en retard -en effet- et me demande si je suis prête. Euh, comment dire... Je t'attends depuis environ dix minutes, donc je crois que j'ai eu le temps de me préparer psychologiquement à entrer dans une patinoire. Mais qu'est-ce qu'il est mignon quand il a l'air aussi gêné ! Je hoche la tête, et réponds avec un petit air moqueur.

-A ton avis ?

Je le regarde de haut en bas, détaillant sa tenue vestimentaire avec un petit sourire. C'est moi ou il s'est fait tout beau pour moi ? Il faut croire que c'est la deuxième option. Mais j'ai l'air de quoi moi à côté avec mon jean et mon manteau de la même matière ? Je n'ai pas le temps d'y penser une seconde de plus que je sens sa main attraper la mienne. Je lève les yeux vers lui, et reconnais ce petit air sur son visage qui pour moi est vraiment adorable à voir. Là où ça veut dire qu'il est heureux. Un petit sourire se dessine sur mon visage, écoutant l'accent anglais qu'il essaie d'imiter. Nous finissons par entrer dans le bâtiment, et avançons vers le comptoir. Je fais en sorte de passer avant Ri Han, sortant mon porte-monnaie de mon sac. Non mais à chaque fois on me fait le coup de payer pour moi, hors je déteste ça. Après j'ai l'impression d'avoir une dette à rembourser et ça me rend horriblement mal à l'aise. Bref. Je paie pour ma part, et attends sur le côté mon petit ami pour qu'il en fasse autant avec la sienne. Je fronce légèrement les sourcils en voyant la dame au comptoir qui lui fait un grand sourire, et le dévorerait presque des yeux. C'est bizarre, quand c'était mon tour, elle m'avait paru froide. Pff, y'a des gens ici. Une fois qu'il a fini, je reprends sa main, comme si ça veut dire qu'il est à moi. Je veux bien éviter de faire la fille possessive, mais faut pas se moquer du monde non plus !

Bon, maintenant : les patins. Rien qu'en voyant toutes les paires sur des étagères, je me sens déjà moins rassurée. Je me vois déjà en train de galérer sur la glace comme une pauvre fille. Bon, calme-toi Hee Jung, tout va bien se passer, la force est en toi ! Perdue, je regarde autour de moi comment cette affaire s'organise. Bon, ça devrait aller. Je retire mes bottines, puis les échanges à un monsieur contre une paire de patins, sans oublier d'indiquer ma pointure. Ah oui, je demande accessoirement de mettre mon sac au vestiaire, ça risque de ne pas être pratique après. Même si je crains qu'on me le pique entre-temps. Je prends mes patins, et m'assois sur un banc. Alors, voyons voir ça. J'y chausse mes pieds sans problème, c'est pile la bonne taille. Maintenant... C'est quoi ce bordel ? Comment ça marche ces trucs-là ? J'avoue que je suis un peu paumée avec ces lacets, et ces deux colonnes de petits bouts en fer sur chaque patin. J'essaie une stratégie. Non, ça ne marche pas comme ça. Bon, on va bien trouver ! Et dans ce sens-là ? Non plus. Je relève la tête vers Ri Han, qui doit avoir sûrement déjà fait ses lacets pour les deux patins.

-Euh... Ri Han ? Tu peux m'aider ?

Je lui lance un regard de détresse, comme si j'appelle de l'aide à mon héros. Oui ta copine c'est une pas douée de la vie qui n'a jamais réussi à mettre ses patins de glace soi-même. J'ai même pas mis un pied sur la glace que je passe déjà pour une cruche ! Pitié, qu'on m'achève...

Je le vois sourire après que je lui ai demandé de l'aide. Je suis sûre qu'en fait, il se paie de ma figure. Ça ne m'étonnerait même pas. En même temps, je ne suis pas fichue de faire mes lacets de patins, alors que je vois un gosse de sept ans pas loin qui y est arrivé tranquillement tout seul. Et là je me sens idiote. Il vient s'accroupir à mes pieds, tel le prince charmant de Cendrillon. Mouais, ça aurait pu être plus romantique si on remplaçait les patins par les souliers de verre. Enfin, on peut pas tout avoir hein. Comment ça il attendait presque que je le lui demande ? Ah d'accord, Môssieur s'amuse à me regarder en train de galérer à mettre mes patins, et il est même pas fichu de venir en aide de lui-même ? Non, fallait attendre que je l'appelle, bien sûr ? Super, maintenant je passe encore plus pour une abrutie de première comme ça. Tss, on ne peut même plus compter sur son petit ami dans cette affaire. Je réponds avec un ton ironique :

-Très drôle...

Il fait alors rapidement mes lacets, si bien que je n'ai même pas eu le temps de voir comme il s'y est pris. J'aurais pu apprendre quelque chose d'essentiel aujourd'hui, mais il faut croire qu'on ne m'a pas laissée le choix. Peut-être parce qu'il est pressé d'aller sur la glace ? Rien que le fait de penser qu'il va sûrement s'éclater comme un fou tandis que moi je vais tomber toutes les trente secondes me rend déjà mal à l'aise. Après qu'il ait fini, nous nous avançons vers la patinoire. C'est dingue, je me sens de moins en moins rassurée. Il y entre d'abord, puis me tend les mains. Euh... ouais, bon. Ben, quand 'faut y aller, 'faut y aller ! Je préfère d'abord tenir les mains de Ri Han au cas où, je serais encore capable de me casser la figure dès l'entrée. Il m'assure qu'on va gérer. Ou il est un peu trop optimiste, ou il a un peu trop d'espoir, ou bien c'est les deux. Mais je doute fort à la vérité de ses paroles. Lui il va gérer. Moi non. Je ne suis pas pessimiste, je suis réaliste, nuance. Je pose doucement un pied sur la glace, puis mets rapidement l'autre. Ouhlàlà je perds déjà l'équilibre ! Je me retrouve contre le buste de mon amoureux, paniquée. Heureusement qu'il était là, sinon j'aurais déjà fait ma première chute en moins de deux secondes ! Je rougis un peu, gênée, mais j'ai un peu de mal à le relâcher. Non je veux pas y aller, je veux pas y aller ! Mais si je le dis je vais encore plus passer pour une moins que rien... Qui est le crétin qui a inventé la patinoire, je vous le demande ?! Bon allez, cool, zen, je vais y arriver, même si je sais que ça ne sera pas le cas, je vais y arriver ! Je finis par m'écarter de Ri Han à quelques centimètres, lui tenant toujours les mains. S'il ose se moquer de moi une nouvelle fois, je vous jure, je lui en mets une ! Quoique, je serais encore capable de tomber par terre dans l'élan. Oui bah alors je ne lui parlerais plus, nah ! Je déteste quand on se moque de moi, surtout dans un domaine où je suis archi nulle... Je le regarde, toujours un peu angoissée.

-T'es sûr de ce que tu fais là ?

Réponds "non", réponds "non" ! ... Il serait encore capable de répondre "oui" juste pour m'embêter. Je suis sûre, il ne va pas me laisser le choix. Tiens j'ai une idée ! S'il patinait sur la glace pendant que je le regarde en-dehors de la patinoire ? Juste derrière les bords, là ? Ouais nan ça va pas marcher, j'en suis sûre. Bon ben tant pis, j'aurais plus qu'à prier pour ne pas tomber ne serait-ce que pour aujourd'hui. Pitié, si vous m'entendez, épargnez-moi la moindre chute juste pour cette fois-là ! Mes petites fesses ont suffisamment souffert quand j'étais petite, un peu de bonté ! Je ne sais même pas à qui je parle là. Je vous jure, si mon vœu se réalise, je deviens officiellement catholique ! Je n'attends même pas la réponse de Ri Han que je capitule déjà.

-Bon d'accord t'as gagné, on y va. Mais, doucement hein ?

Oui s'il te plaît, ne vas pas à la vitesse des grands patineurs artistiques, ça me ferait assez plaisir. Limitons les dégâts, par pitié ! J'inspire un grand coup, me préparant à la dure épreuve face à laquelle je vais devoir me confronter. Limite pour moi c'est pire qu'un porté de malade en danse comme celui dans "Dirty Dancing". Objectif principal : ne pas tomber. Même si je sais qu'il ne sera pas validé, on n'a jamais trop d'espoir ! Je laisse Ri Han démarrer quand il veut, de toute façon c'est pas moi qui vais l'entraîner...