▬ Mon enfance a été joyeuse. J’étais l’une de ces petites filles croquant la vie à pleines dents et avare de connaître chaque parcelle de la vie. En plus de cela, mes parents étaient toujours partants pour partir à l’aventure, en jouant les globetrotteurs. Mon père mit sa carrière de grand avocat entre parenthèses -surement étais-ce de là mon aversion envers l’injustice- et ma mère arrêta de faire cours à une tripotée d’élèves ; elle se limita à moi. De nombreuse années à à jouer les minis aventuriers, où nous ne rencontrâmes aucun serpent à sonnette, aucun donjon intrépide, aucune civilisation cannibale en Asie. Non, les seuls sonnettes étaient celle des grandes résidence des capitales comme celle de Tokyo et Pékin, les donjons étaient ces villes à en perdre aisément le nord comme celle de Hong-Kong et les civilisation cannibale s’apparentaient plus à des grappes sous, ou les personnes un peu trop louches des métros. Nous avions souhaité l’aventure en gardant le confort. C’était étrange. Seul, le Vietnam nous dépaysèrent davantage. Les agitations des grandes villes n’étaient plus. Le calme régnait à ces instants et les plus beaux paysages s’inscrivirent dans ma mémoire. Puis, nous décidâmes de retourner à notre terre natale. Lors de ces voyages, mon père ne fit prendre conscience de la beauté des plantes et il me répétait sans cesse cette phrase ; une fleur, elle fane toujours à un moment où à un autre, c'est la vie, on ne peut rien y faire. Et, à chaque reprise, je dénotai une pointe d’amertume inconnue. J’étais trop jeune pour me douter de ce qu’ils me dissimuler.

Quatorze ans, nous nous sommes consolidés à Busan. Comme à chaque escale, je pensais que nous ne resterons pas longtemps à la maison et allons repartir vers d’autres aventures. Cependant, à cet instant, ce ne fut pas le cas ; ce fut notre point d’arrivée. Dorénavant, j’avais un lieu fixe. Mon père repris la boutique du fleuriste et il semblait se complaire dans cette nouvelle activité, normal pour un amoureux des plantes. Loin de lui l’agitation du boulot d’avocat, nous étions dorénavant dans la norme et avec nos divers voyages, nous ne roulions plus autant sur l’or. De son coté, ma mère reconstituait son parcours dans une chambre noir. C’était là, une pièce interdite à mon père et moi. Quant à sa profession, ma mère se contenta d‘être femme au foyer. De mon coté, je devais réclamer trop de liberté, tant d’envies d’évasion. Certes, je me faisais des amis. Mais, pourquoi avions-nous cessé tous ces voyages ? Etais-ce uniquement d’une point de vue économique ? Bien assez vite, je le sus. Ma mère était atteinte d’une maladie, diagnostiqué quelques temps après ma naissance. La maladie rentra alors dans ma vie. Une bourrasque torrentielle dont je n’eus pas le temps de fermer la porte, qu’elle avait déjà tout dévaster. Ma petite famille aux souvenirs par milliers s’affaissaient de jour en jour. Sa mine devint blanche, son sourire restait mais, ses yeux manifestaient cette souffrance intérieure et incurable. Je luttais. Je souriais. J’étais trop jeune, j’avais encore besoin de cette mère. J’avais besoin de cette présence féminine, de ses mots. Avec qui irai-je faire les magasins ? Avec qui parlerai-je des nouvelles idylles de nos idoles ? Avec qui discuterai-je de mes premières amours et craintes ressenties ? Dans quels bras me réfugierai-je ? Maman. Mianhae. Mais, j’étais terriblement effrayée à ces instants près de toi.

Seize ans, voilà deux ans qu’elle était devenue poussières. La femme de ma vie n’était plus. Mon père à mes cotés, ma main dans la sienne, je devrai faire face. Suite à sa mort, c’est-à-dire, à mes quatorze ans, je trouvai une façon de me défouler dans les arts martiaux et lentement, cela porta ces fruits. Seulement comme à tout moment d’accalmie dans ma vie, un événement vint tout chambouler. Ce fut la nouvelle compagne de mon père. Pour moi, c’était bien trop tôt. Je le suspectai rapidement d’avoir été avec elle, bien avant la mort de ma mère et mon intuition fut la bonne. Les hommes. Les hommes. Une équation dont, à croire, je ne trouverai jamais la solution. De toute façon, d’un sexe à un autre, nous avons toujours été des incompris. Sur ce coup là, je lui en voulut terriblement. Alors, à cette femme, cette pouffe comme j’aimais l’appeler affectueusement, je lui fis vivre un enfer. Elle n’aimait pas le vert, sa chambre fut repeinte en vert par mes soins. Elle était allergique aux chats, j’en adopta deux, dont l’un d’entre eux avait une affection toute particulière pour le lit des deux tourtereaux. Elle avait une peur frénétique des araignées, je libérai quelques mygales dans sa penderie. Une crainte des espaces clos, elle se retrouvait régulièrement coincée dans l’ascenseur. Je jouais les petites filles modèles face à papa et je me réjouissais de la voir en larmes, prête à mettre les voiles de la maison familial. Cependant, elle ne le fit jamais. Coriace l’animal. Au contraire, elle s’installa définitivement. Une vie de famille qui devenait de plus en plus difficile à tolérer. J’avais besoin que d’une seule femme dans ma vie et pas de celle-ci. Ma seule terre d’exile fut l’ancienne chambre noir de ma mère. Après des mois, j’y remis les pieds. Et là, je compris.

Ma mère avait choisi cette femme pour mon père, se sachant condamné. Elle avait tout orchestré de a à z. Leurs rencontres, leurs premiers rendez-vous étaient immortalisés sur ses clichés. Et moi, dans cette histoire, je déjouais tous son plan. Suite à cette découverte, je calmai le jeu. Si telle avait été sa décision, je m’en accommodai. Pourtant, j’avais toujours du mal à trouver ma place dans ce tableau familial. M’intéressant aux plantes, je retrouvai peu à peu la même complicité d’en temps avec mon père et je m’engageai à étudier la botanique. La phrase de mon père raisonna encore dans ma tête. Une manière de faire son deuil, surement que de la haut, elle serait fière de moi. J’eus mon diplôme et rapidement, je décidai de reprendre la boutique familiale. Vingt ans. Mon père partit à la retraite et j’entrai dans la cours des grands. Avec le temps, les blessures se sont refermées, mes maux se turent et la sensation d’apaisement reprit le dessus. Enfin, je me retrouvais là maître de la situation. Par moment, il m’arrivait encore de rêver d’évasion. Cependant, le rêve était ici le meilleur moyen d’évasion parce que, pour l’instant, les plantes demandent bien trop d’attention pour que j’en vienne à leurs faire faux bon. Même si je travaille avec le jeune employé de mon père, j’ai bien du mal à me retirer de mon poste… En plus des plantes, les êtres humains entrent aussi dans ma vie. Souvent aussi fragile qu’une plante, j’en viens à m’attacher à toutes ces âmes gravitantes dans mon quotidien. Et, ainsi va la vie..