Tout aurait pu m’être servi sur un plateau, cuillère en or à la bouche et jouets hors de prix entre les mains ; mais mes parents semblaient en avoir décidé autrement. Être né fils unique dans une famille bourgeoise est bien souvent synonyme d’enfant gâté ; sauf qu’en fait, moi, j’en étais bien loin. Mes parents n’avaient jamais voulu me voir évoluer dans le stade de tous ces gosses de riche qui se prennent pour des rois ; bon, certes, mon père faisait partie de l’armée pendant mon enfance et le peu de fois où il était présent, il s’était mis en tête de m’élever à la dure. Si je souhaitais avoir quelque chose, il fallait que je le mérite ; et même lorsque je le méritais, il fallait encore que je redouble d’efforts… Et oui, le daron n’était visiblement jamais satisfait de son propre fils. Ma mère, elle, descend tout droit d’un grand patron, le genre d’homme possédant une firme implantée un peu partout dans le monde ; mais d’après tout ce qu’elle m’a raconté jusqu’ici, elle voulait pour moi le meilleur, et se disait justement que pour ce faire, et bien… pas besoin de choses inutiles. Franchement, je félicite bien mes parents pour avoir été si patients dans les premières années de ma vie ; parce que vous savez, quand tous les gamins autour de vous reçoivent plein de choses futiles et que vous non, vous avez tout de même tendance à piquer des crises. J’ai donc grandi dans un monde un peu « à part » si l’on me compare aux enfants d’autres familles aisées ; mais ça n’a fait que faire de moi un bon gars – je suppose, je vais pas vous casser des dents si vous me filez pas un stylo, hein. J’ai toujours dû être le meilleur élève de ma classe ; et si jamais j’étais deuxième ou troisième – ça m’est arrivé plusieurs fois, malheureusement pour moi –, je risquais clairement ma peau – non non, c’est pas une blague !

Cependant, même si j’ai eu une bonne éducation, j’ai été capable de faire pas mal de « conneries » comme tout bon jeune. Sauf que moi… ça a volé un peu plus haut que quelques graffitis au métro. Et non, je n’ai ni violé, ni kidnappé, ni tué quelqu’un, ne vous mettez pas ce genre d’idées en tête me concernant ! Non, moi… C’est bien mieux que ça. Et franchement, au final, je ne m’en mords même pas les doigts… Bref. Alors, voilà la petite histoire : je suis sorti avec une nana de deux ans mon aîné, quand j’avais quoi… genre seize ans, un truc dans le genre. Sauf que voilà, après une nuit où on avait un peu trop bu à mon goût, j’ai un peu oublié de me protéger pendant nos rapports et… blop, voilà un petit homme qui débarque neuf mois plus tard. Parce que oui, elle a même pas eu le cran de demander l’avortement, sous prétexte que ses parents n’auraient pas voulu ça pour elle ; mais au final, je me suis tout pris dans la gueule dès lors que son père l’a su, et à croire qu’ils étaient tous un peu fous dans cette famille, il m’a fait jurer que je m’occuperais du môme. Hey, j’étais un peu jeune à l’époque… Mais bref, j’ai quand même dû endosser le rôle de paternel dès sa naissance, et l’histoire ne s’arrête pas là. Je m’occupais de mon fils à peu près toutes les nuits parce qu’elle était bien trop flemmarde pour se lever, et voilà qu’un soir, elle m’annonce qu’elle sort avec des amies. Je l’ai donc vue partir avec un sac – vu qu’elle vivait chez moi –, mais je n’y ai pas trop porté attention… Sauf que c’est quand je ne l’ai plus jamais vue rentrer que j’ai compris que… elle s’était barrée, en fait. Cette espèce de tarée avait eu le cran de laisser son propre fils entre mes mains, c’est pour dire. Enfin, depuis ce jour, et même si mes parents ont assez mal pris la nouvelle de la grossesse quelques mois auparavant, je suis père célibataire, mais avec l’aide de ma mère – oh, quelle gentille femme !

Me voilà donc aujourd’hui étudiant en biologie, en mathématiques – oui, oui, c’est moi qui ai choisi ça – et en danse, père d’un petit gars de quatre ans prénommé Un-Il – parce que oui, on a tapé dans l’original –, mais j’ai trouvé le moyen de sortir en boîte assez souvent dès qu’il est couché vu que je vis encore chez mes parents, ce qui fait qu’au final, je reste un paternel responsable mais qui garde sa vie de jeune… Oui, je gère, je sais.