[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Affalée piteusement sur mon bureau, je jauge d’un air désespéré l’heure affichée sur mon réveil. Combien de temps ai-je au juste passé le nez dans mes cahiers ? Je dirais au moins trois heures à vrai dire. Honnêtement, je crois qu’il n’y a que cette année que je me mets à travailler autant. Sérieusement, c’était quand sinon la dernière fois où j’ai travaillé pendant les vacances ? De plus, je dois bien être la seule à passer mon temps enfermée alors qu’il fait beau dehors, que tout le monde à la plage et … argh. Je m’écroule à nouveau sur mon cahier de littérature, abattue par le fait que je devrais être en train de m’amuser au lieu de croupir mollement chez moi à réviser et relire mes cours de fond en comble. Je ne suis même pas sûre que Mai Lynn allait jusqu’à travailler autant lors de sa dernière année de lycée. Bon, il est aussi vrai qu’elle est bien plus studieuse et attentive que moi en classe, donc forcément, ça aide. Ça lui évitait entre autre de devoir travailler jusque 21h comme je viens de le faire. C’est bien parce que je suis motivée pour entrer à la même université qu’elle que je me suis mis en tête de bosser comme il faut pour décrocher mon diplôme. Sinon, je crois que j’aurais décidé de participer au « travail » de Papa. Bon j’aurais eu du mal à le convaincre, c’est sûr, mais je l’aurais fait céder, j’en suis certaine. Je me demande en fait s’il n’est pas rassuré par le fait que je veuille suivre l’exemple de Mai Lynn. C’est fort probable.
Néanmoins, je n’en peux plus. Étudier autant, c’est trop pour moi et c’est d’un geste sec que je referme le cahier et le livre, les rangeant rapidement sur le côté. Maintenant, je vais pouvoir respirer et penser à autre chose que des auteurs célèbres ou des formules mathématiques. Une délivrance complète en somme. Sauf qu’étant donnée l’heure, mes distractions vont être vite limitées. Faire un shopping avec ma sœur à une heure pareille n’est pas envisageable, je le sais bien, les magasins sont fermés maintenant et Mai Lynn n’est pas fan des sorties nocturnes. A croire qu’elle a peur qu’il puisse nous arriver encore un danger extrême. Enfin, je dois bien reconnaître que je suis moi-même devenue un peu paranoïaque sur les bords, me méfiant de quiconque cherche subitement à nous approcher. Surtout vis-à-vis d’elle en fait. Je n’ai pas oublié, et elle non plus, ce garçon qui l’a charmée uniquement pour l’enlever. Autant dire que je me suis fait une joie de lui mettre une bonne raclée ! A présent, je crois que peu de personnes pourraient nous faire du mal.
Une idée me vient soudain en tête : pourquoi ne pas aller simplement faire la fête ? En plus, je connais une bonne boîte de nuit pas très loin. Enjouée par cette perspective, je me lève et descends les escaliers à toute vitesse. En bonne et charmante fille que je suis, il faut bien entendu que je demande l’autorisation à mon père. Ce n’est pas tellement pour être sage que j’agis ainsi, au contraire. Mais nous savons tous les trois que chaque sortie représente un risque potentiel pour moi et ma sœur, alors nous l’informons où nous allons, afin qu’il puisse agir rapidement. Bien que nous sachions qu’il ait placé des puces sur nombres de nos objets en cas d’extrême urgence, c’est préférable. Je ne tiens pas à refaire les frais d’un kidnapping terrifiant comme il y a quelques années. J’aperçois enfin mon géniteur, assis à son propre bureau, les yeux rivés sur l’ordinateur. Je devine d’avance qu’il doit être en train de récolter quelques informations sur le prochain escroc qu’il doit mettre hors d’état de nuire. Je m’approche mais pas trop : je sais qu’il déteste qu’on regarde ce qu’il fait ou l’identité de celui qu’il cherche. Je crois décidément qu’il me connaît trop bien.
« Appa, je l’appelle,
je sors ce soir. Je vais à la boîte de nuit de la rue à côté. »Il hoche simplement la tête, afin de montrer qu’il a bien reçu l’information. Nous n’avons jamais besoin d’autorisation : il nous a toujours laissées une grande part d’indépendance, ce dont je lui suis reconnaissante. Jamais il ne nous a traitées comme des bébés ou des demoiselles en danger qu’il fallait à tout prix préserver. Ce n’est pas dans son caractère, il a vite compris qu’il ne nous fallait pas fuir le danger mais savoir l’affronter. Je tourne alors les talons pour remonter dans ma chambre, mais il m’interpelle soudain.
« N’oublie pas ton pistolet. »Me rappelle-t-il.
« Ne t’en fais pas : je ne l’oublierai pas. »Il est vrai qu’en revanche, il nous rappelle toujours de ne pas sortir désarmées. En particulier quand on se rend dans des lieux comme celui-là, où un incident est vite arrivé. Enfin, surtout moi, puisque Mai Lynn s’aventure peu dans ce genre d’endroit, pour ne pas dire pas du tout. Je crois que se retrouver seule au milieu d’inconnus n’est pas vraiment ce qu’elle préfère. Je reviens alors dans ma pièce personnelle et m’occupe aussitôt de ce que je vais mettre. Je trouve justement une minirobe qui fera l’affaire ainsi qu’une paire de bottes blanches. Détail important : le collier grâce auquel mon père pourra potentiellement me retrouver si ça tourne mal. On n’est jamais trop prudent. J’arrange mes cheveux, pour l’instant roux, et passe également par la case maquillage. J’y accorde un soin particulier, chouchoutant toujours mes yeux surtout. Je ne m’attarde pourtant pas indéfiniment, allant ensuite chercher l’objet le plus important dans l’histoire : le fameux pistolet. Bien caché dans une boîte en dessous de toutes celles contenant mes chaussures, je l’en sors minutieusement, vérifiant au passage s’il est chargé. Ce serait bête de se faire avoir pour ça ! Je cherche par la suite la jarretière spécialement réservée à l’opération « Flingue planqué » et l’enfile, veillant à ce qu’elle soit bien cachée. Enfin, j’y place l’arme à feu et replace correctement ma robe par-dessus. Eh oui, sortir est toujours une affaire d’état !
Attrapant quelques billets que je glisse cette fois dans mon décolleté, je prends quand même la peine d’emporter une veste, au cas où le temps se rafraîchirait dans la soirée. Je lance un bref « Au revoir ! » et sors enfin de la villa spacieuse, bien trop grande pour la plupart des gens de la ville. Enfin, en même temps, il faudra que quelqu’un me dise un jour ce que nous avons de commun avec la population de Busan, à part aller à l’école. Pas grand-chose je pense. Déjà, je dois à moitié passer pour une alien à sortir toute seule à pieds la nuit. De toute façon, j’ai l’impression de faire tâche en permanence parce que les formalités me passent au-dessus de la tête. Bref, je ne m’attarde quand même pas dans les rues sombres, et hâte le pas jusqu’à l’endroit où on entend déjà la musique de l’extérieur. Il faudrait être distrait je crois pour ne pas trouver cette boîte. Je rentre rapidement à l’intérieur, étant une habituée des lieux depuis quelques temps. Je sais également où se trouve le vestiaire et y laisse ma veste.
Dans un premier temps, je me dirige vers le bar. Comment s’amuser sans avoir bu un peu avant ? J’avoue que moi j’ai du mal et que, ne le cachons, j’aime bien boire plusieurs verres avant d’aller faire un tour sur la piste. Ma descente en impressionne, ou en choque ça dépend, pas de mal de gens d’ailleurs. Je salue amicalement le barman avant de lui demander d’emblée une bière. Oui ce n’est pas très classe ni féminin et alors ? De plus, je la bois à la bouteille, sans aucune gêne et je vois vite que je ne manque pas de faire grimacer une jeune femme à côté de moi qui s’en va aussitôt ailleurs. Je ne comprends ce qu’il peut y avoir de mal à boire tranquillement une bière ! Pour patienter, je décide de regarder les alentours, espérant que je ne vais pas m’ennuyer : il faut savoir s’amuser un peu les gens !