▬« Nous sommes des grains de sables, des millions et des millions de grains de sables. Sur une plage appelée la Terre. Un coup de vent, et tout est terminé… »

Cette phrase hante mes nuits depuis maintenant plus d’un an, comme un mauvais refrain qu’on a en tête et que l’on souhaite oublier par n’importe quel moyen. Ma mémoire me fait défaut aujourd’hui, mais cette phrase… Cette phrase, elle reste comme un souvenir. Comme un souvenir de quelque chose que j’ai oublié. Un nom, un seul nom qui signifie tellement: Analyn. Ce nom auquel est attachée ma vie, mon ancienne vie, je vais vous raconter son histoire.

Saut d’un an en arrière.

« Kyunnie ! J’ai envie de faire un tour en voiture, emmène-moi ! Allez, allez ! »
« Tu veux aller où ? »
« Bah, je sais pas, juste un tour, allez fais pas ton rabat-joie ! »

Analyn, ma petite amie, elle était belle, elle avait tout pour elle, et surtout une volonté de fer, à vous faire flancher une armée. C’était du moins ce que je me disais, pour me trouver une excuse valable au fait que je lui cédais absolument tout. Mais que voulez-vous, cette Nana, je l’avais dans la peau.

Je l’avais oui, car le destin a décidé de me l’arracher.

Je les connaissais depuis tout petit, Analyn et Sha Na. Mes parents me laissaient tout passer, il me chérissait comme un trésor, alors quand je disais que je voulais aller dormir chez l’une d’entre elles, c’était un « oui » sans discussion. J’étais un enfant pourri gâté, je l’admets et ça ne m’avais jamais poser problèmes. Trois grandes résidences dans un pâté de maison, une cours en commun. Un trio inséparable, Analyn, Sha Na et moi. Nous grandîmes tous les trois ensembles, jamais l’un sans les deux autres. Mais mes sentiments changèrent à l’égard d’Analyn, de l’amitié, ils passèrent à l’amour, et alors les choses ne furent plus les mêmes au sein de notre groupe soudé. Sha Na passait au second plan pour moi, à mes yeux il n’y avait plus que notre couple, et elle derrière. Cela ne me perturbait pas plus que cela, mais quelque chose était cassé, irréparable, et on me punit pour cette faute. Sévèrement.

« Bon, d’accord. On y va. Tu viens toi aussi hein ? De toute manière, tu n’as pas le choix, mets ta veste. » Avais-je dis en m’adressant à Sha Na, et en attrapant les clés sur le comptoir, me dirigeant droit dans la cours, où se trouvait ma voiture fraîchement offerte depuis mon vingtième anniversaire.

Nous montâmes tous les trois dedans, et je roulai pendant une bonne demi-heure, sans réel but, juste histoire de leur montrer que ce n’était pas un mensonge, parce que je sais qu’elles ne me croient pas. Toujours à me chambrer en invoquant des choses complètement farfelues, du style, j’ai déjà menti : « Je sais nager. » Elles me le ressortent à chaque fois celui-là ! Bon d’accord, je n’ai jamais su, et je ne saurai jamais, mais on n’allait pas rester là-dessus pendant trente ans ? C’est donc pour cette raison que je devais faire mes preuves :

« Vous voyez que je sais conduire ! » Elles rigolèrent toutes les deux d’une seule et même voix, je fis de même. Quand on ne peut pas lutter de toute façon, il ne sert à rien de s’acharner. Alors j’ai ris, en ne me préoccupant de rien. Même pas de la route.

Une seule seconde, j’ai quitté la route des yeux une seconde. Mais cela a suffi à gâcher nos trois vies. Un arbre est tombé sur la voiture, nous envoyant tout droit à l’hôpital.

Moi, pour un an dans le coma. Analyn, elle, elle n’avait pas survécu. Sauf que ça personne n’avait jugé bon de me le dire. En fait, lorsqu’un an après j’ouvrai les yeux, la seule personne que je vis en face de moi, c’était Sha Na, sauf que quelque chose avait changé chez elle. Et à cause du choc, et de ma perte de mémoire, je l’ai assimilé à ma petite amie, le seul prénom qui m’était resté en tête malgré cet accident : Analyn.