Les soirées, l'alcool et les cigarettes ne font plus bon ménage sur ma petite santé devenue de plus-en-plus fragile à force d'en abuser. Les fêtes organisées en dehors de l'école commencent à prendre un goût amer. Peut-être qu'elles sont influencées par la nouvelle génération de louveteaux qui débarquent en première année et qui y sèment un peu plus le désordre. Rapidement, les lieux se couvrent d'une atmosphère hallucinogène et me donne envie de vomir mes tripes. Je délire. Je divague. Je perds pied et je m'effondre. Le bruit résonne, mais dans ma tête, ce son semble être lointain. Il est comme épuisé par un coussin de protection. Je cherche à me sortir de ce tourbillon de l'enfer. Pour la première fois depuis trop longtemps, je ne me sens pas bien. Ah, si les copains viennent à entendre parler de mon attitude à cette fête misérable, je vais être bon à me faire passer pour un clown de service pendant un certain temps. Ma raison me force à me relever, à me réveiller. Je peine à ouvrir les yeux. Je sens mes paupières se soulever et s'abaisser, mais il y a toujours quelque-chose pour m'empêcher de m'évaporer de ce coton, soi-disant de bonheur. C'est comme si des bras me tirent vers le côté obscure alors que je suis proche de la lumière afin de me libérer. Je lutte un bon moment avant de reprendre conscience et de me retrouver sans aucun souvenir, affaissé dans le canapé d'un salon entièrement dévasté. L'ambiance, les lumières, tout, me fait penser que la nuit ne s'est ps encore levé pour laisser place à une nouvelle journée. Aussitôt, j'examine ce qui s'est passé, ce qui se passe actuellement autour de moi. Certaines personnes sont étalés au sol ou bien, alors là où ils le peuvent pour s'installer dormir, tomber un peu plus dans un coma, rêver ou même planer, tandis que d'autres continuent à vider les bouteilles, à danser, à suer comme s'aimer. Un goût amer prend possession du fin fond de ma gorge, j'ai besoin d'air. Je me gifle mentalement pour me lever et malgré une démarche difficile et quelque-peu titubante, je parviens à rejoindre l'extérieur. Puis dans mon inconscience, je prend le chemin de l'internat pour me retrouver dans les bras de Morphée.

Une sonnerie retenti. Elle est confinée dans un monde qui me semble parallèle sauf qu'il s'agit de mon téléphone portable. Le réveil s'est activé afin de me sortir de mon sommeil qui ne fut pas réparateur. Je sors péniblement mon bras de sous ma couette et tâtonne à plusieurs reprises dans le vide avant de mettre la main sur l'objet hurlant. Je fais glisser une petite touche sur celle-ci et le bruit cesse. Du repos. Je vais pouvoir reprendre ma nuit. Enfin, c'est ce que je pensais. Soudainement, je me mis à songer au pourquoi que j'avais demandé à cette chose de me réveiller volontairement, en mémoire. Jusqu'à ce qu'un rendez-vous improvisé avec mon ami, Chan Hyuk, ne me revienne. Chan est devenu mon meilleur ami. Mon confident. Pourtant, au début, ce n'était pas gagné et pour cause, comme moi, il vient d'une famille aisée avec beaucoup de principes à retenir. Cependant, il avait tendance à se tromper au sujet du monde 'extérieur' qui nous entoure. Ce signe de désespoir m'avait interpellé et je n'avais pas pu m'empêcher d'aider cette nouvelle victime de la bourgeoisie à s'en sortir. Nous devrons être heureux d'avoir une situation comme celle-ci, au moins tout ne semble facile et tout est entre nos mains, mais en réalité, nos vies de familles sont difficiles et semés d'ennuis – surtout envers nos parents. Je viens à penser que je vais être en retard. Non, je suis en retard ! Je m'extirpe difficilement d'entre les draps et me redresse sur mes deux jambes afin de prendre une douche, de m'habiller et de vite filer à ce rendez-vous. En passant par la salle-de-bain, je pense à une méthode pour masquer ce visage démolit, ravagé et fatigué par la nuit précédente qui ne fut pas de tout repos. S'il vient remarquer mon état de faiblesse, il risque de s'inquiéter et de se poser trop de questions, mais ça, je ne lui autorise pas. De plus, il n'a pas froid aux yeux et me demandera sans gêne ce qui a bien pu me traverser l'esprit pour avoir une tête pareille et me connaissant, je ne pourrais lui mentir. Je n'aime pas mentir, mais surtout à lui.

Une fois arrivé à mon lieu de rendez-vous, je me retrouve seul. Étrange. A-t-il oublié ? Non, je ne pense pas. Chan n'oublie jamais quoi que ce soit. Il a dû tout simplement prendre du retard à cause d'un cours. Au moins, il a la volonté d'y aller même si ces matières ne l'intéressent que très peu, mais ce n'est pas un souci. Je l'attends. Il finira bien par pointer le bout de son nez. Tiens, lorsque l'on parle du loup, on en voit la queue.

• « Bouh ! Je suis en retard, le prof a fait une prolongation avec comme sujet les discours européens d'Angela Merkel, que du bonheur ! »

Est-ce que j'ai vraiment la tête à me soucier des paroles d'une allemande ferme et fort stricte qui regarde des matchs de football ? Non, pas vraiment. Mes doutes n'étaient pas faussés et son retard était bien dû à ce que j'avais penser. Je lui souris amicalement et lui tapote la tête comme un enfant en guise d'amusement.

• « Ce n'est pas grave, ne t'inquiètes pas. »

Comment lui en vouloir avec cette bouille si adorable ? Il sait se faire pardonner ne serai-ce qu'avec les mots, mais il aurait davantage d'excuse en utilisant ses expressions physiques pour que quiconque tombe sous son charme et parvenir à oublier ce petit incident sans grande importance.

• « Tu as passé une bonne matinée ? On va manger un truc ? »

La question fatale est tombée ! Je l'avais improvisé, mais je l'ai trop vite oublié au point que je n'ai prévu aucune réponse de secours pour ne pas l'inquiéter. Malgré moi, mon visage se crispe en une moue légèrement embêté et je me retrouve rapidement au bord d'un pont prêt à sauter dans le vide. Mon silence en dit long et je dois absolument trouver les quelques mots qui peuvent le rassurer sinon, il ne va pas me lâcher et s'amusera à me tirer les vers du nez pour que je finisse par avouer. En fait, je n'ai pas le souvenir de lui avoir révélé cette personnalité. Celle qui s'amuse, celle qui aime boire jusqu'à en tomber ivre-mort et celle qui aime fumer jusqu'à ne plus avoir de voix le lendemain. J'ai, peut-être, peur qu'à la suite de cela, il vienne à me détester, à me haïr et je n'en ai pas envie. Je lève la tête et regarde le ciel comme si un oiseau allait me donner une réponse à sa question. C'est stupide ! En m'évaporant de cette façon, je me donne l'espoir que quoi que je dise, quoi que je fasse, il gobera tout et ne se posera pas des milliards de questions juste pour une tête fatiguée. Je suis idiot et j'agis comme un gamin. Bien sûr qu'il va me questionner à ce sujet. Je laisse un discret soupire sortir d'entre mes lèvres avant de le regarder et de lui sourire.

• « J'ai eu beaucoup de mal à dormir cette nuit... Je crois que j'ai angoissé de te retrouver. »

Je pouffe doucement de rire pour ne pas le froisser après cet aveux qui semble mensongère, mais quelque part, c'est vrai que j'ai toujours cette pointe de nervosité qui se mêle à mon excitation à l'idée de le revoir. Pourquoi ?

• « Sans te mentir, je n'ai pas très faim. Mais on peut aller s'installer dans un restaurant pour boire un chocolat en mangeant des viennoiseries. Qu'est-ce que tu en penses ? »

Et encore, même l'idée d'avoir un croissant avec une tasse de chocolat chaud en face de moi me tord les intestins. Je devrais vraiment arrêter de faire l'imbécile...