▬Je suis née un trois mai, jour de soleil, dans la grande ville de Séoul. Mon père et ma mère s’aimaient encore à l’époque. Elle était manager dans un grand magasin, il était médecin. Vous l’aurez compris, j’ai vécu une enfance heureuse, vivant confortablement. Choyée parce qu’étant la seule fille de la fratrie mais aussi la benjamine, je n’ai jamais posé de problèmes à personne. Certes il m’est arrivé de me disputer avec mes frères, plus grand que moi de deux et cinq ans, mais ce n’est jamais allé bien loin, du moins à ce moment-là. Au niveau scolaire, j’étais bien entourée. Même si je n’étais pas non plus première de la classe, j’ai toujours eu de bonnes notes. Plus littéraire que scientifique, je me suis rapidement démarquée de mes frères. Alors que l’aîné se destinait à des études de médecine et que le cadet envisageait l’ingénierie, je rêvais de devenir écrivain, d’enseigner l’anglais et le coréen et d’aller m’installer à l’étranger, dans un pays anglophone de préférence. Bien que mon père n’appréciait que peu cette idée, il me laissa, à l’instar de ma mère, vivre ma passion comme bon me semblait. Ils se séparèrent lorsque j’avais quinze ans, restant toujours en bons termes.

Si je me suis arrêtée à ces détails, ce n’est pas pour vous bassiner, mais simplement pour vous donner les clés pour comprendre la suite des évènements. Après l’obtention de mon diplôme, je suis partie étudier un an aux Etats-Unis, sur la côte ouest plus précisément, pour améliorer mon anglais. J’en suis revenue avec un homme, Jason, et une magnifique bague, avec un beau diamant dessus. Il était fils de PDG d’une grande entreprise mais il est venu avec moi, avec pour objectif d’agrandir un peu l’empire familial. Nous nous sommes donc installés dans un grand appartement de Seoul, pour nous marier ensuite, un peu contre l’avis de mes parents d’ailleurs. C’était un temps heureux, vraiment. Nous travaillions ensembles tous deux, moi lui apprenant le coréen et l’aidant dans ses traductions. J’étais de mon côté tranquille pour écrire et lire. Jusqu’à ce que, cinq mois après notre mariage, arrive ma Princesse, ma Soo Ji, notre fille. Nous étions heureux tous trois, jusqu’à l’année dernière. Petit à petit, Jason et moi nous parlions de moins en moins, nous nous disputions de plus en plus, jusqu’au moment où il finit par m’avouer qu’il ne m’aimait plus et qu’il en voyait une autre. Nous avons alors décidé de nous séparer, pour divorcer par la suite. C’est lui qui a la garde de notre puce. Ne vous méprenez pas, nous ne nous sommes pas battus pour elle. Soo Ji n’avait que trois ans, alors nous ne voulions pas qu’elle souffre et nous avons pris, d’un commun accord, la meilleure décision pour elle. Lui ayant une situation, un appartement, et tout ce qu’il fallait pour s’assurer du bonheur de mon bébé, j’ai préféré qu’il la garde. Mais cela ne signifie pas que je ne vois jamais Soo Ji. Je la vois un week-end sur deux. Pour cela, je retourne à Seoul, chez ma mère, pour ne pas déraciner ma puce, ne serait-ce que pour un week-end. Pourtant, retourner chez ma mère est quelque chose que j’ai un peu de mal à supporter, puisqu’elle se sent systématiquement obligée de critiquer tout ce que je fais avec ma fille.

Je dois bien avouer que cela a été une épreuve difficilement supportable. Heureusement que mes frères et ma mère ont été là pour m’aider à me ressaisir, comme j’ai été là pour soutenir la famille à la mort de mon père. Finalement, j’ai suivi mon frère à Busan, pour y reprendre des études. Cela fait maintenant un an que Jason et moi sommes divorcés et que j’étudie en lettres modernes et anciennes, continuant toujours l’anglais. Mais ça, c’est le jour, parce que trois quatre nuits par semaine, je suis barmaid dans une boîte du centre ville. Je n’ai pas besoin de faire ça, mais je veux, en attendant d’avoir une véritable situation, mettre de l’argent de côté pour Soo Ji. L’aîné de mes frères n’apprécie pas mes activités nocturnes, moi non plus à vrai dire, mais je pense sur le long terme. Ma fille est ce qui compte le plus pour moi, tant pis si je dois me crever à la tâche pour son bonheur. C’est pour elle que j’ai repris mes études et que je m’efforce d’être studieuse. Cela ne m’empêche pas de vivre pleinement ma vie pour autant. Depuis un an, j’ai eu quelques relations, de courte durée, certes, et j’ai une vie sociale correcte, sauf un week-end sur deux. Enfin bref, c’est compliqué, n’est-ce pas ?